La cage aux ondes

Décor d’ouverture

Sur scène, côté gauche, se trouve une structure tubulaire cubique soutenant une tenture spéciale anti-ondes. Sur la droite un écran de projection affiche des courbes comme sur un électrocardiogramme. Un bruit de fond chaotique crée une ambiance électrique.

Un personnage sur une chaise roulante, recouvert d’une tenture transparente fait son apparition poussée par un infirmier avec son tablier blanc. La chaise est conduite jusqu’à la tente et le personnage sort précipitamment pour s’engouffrer sous la tente avec un ordinateur sous le bras.  Il s’installe, ouvre son ordinateur et connecte un fil sur le côté de ce dernier.  L’infirmier range la chaise et entre également dans la tente et vient s’asseoir en face du vieux monsieur.

Scène 1 présentation des personnages

L’infirmier : Voilà Monsieur, vous êtes bien installé comme ça ?  Vous êtes à l’aise, ? vous vous sentez à l’abri ?

Le Monsieur : Oui, c’est bien, la protection est efficace et j’ai tout le matériel à disposition. Vous avez tous les branchements pour moi ?

L’infirmier : Oui, j’ai suivi vos instructions à la lettre. Votre ordinateur est branché en mode filaire, vous devriez avoir du réseau et mon GSM est resté dehors dans une boîte métallique.

Le Monsieur : C’est parfait, nous allons pouvoir procéder à notre petite expérience.

L’infirmier : Petite expérience ? (Air interloqué) En quoi consiste-t-elle ?

Le Monsieur : C’est très simple, en appuyant sur ce bouton, je fais exploser une bombe électromagnétique qui a un rayon d’action d’1 km et qui va neutraliser tous les circuits électroniques et couper toutes les émissions d’onde dans la région. C’est non-léthal.

L’infirmier : (affolé) Mais c’est un acte terroriste, vous êtes fou, pourquoi vous voulez faire ça ?

Le Monsieur : Ecoutez-moi bien mon jeune ami, je n’ai pas d’autre choix, cela fait 20 ans que je vis terré comme un ermite à cause des ondes, de vos GSM, de vos WIFI. Je n’en peux plus des souffrances physiques et morales endurées.

L’infirmier : Mais il faut vous faire soigner, il y a surement des traitements.

Le Monsieur : La médecine est impuissante et ne reconnait pas la problématique des personnes électro hypersensibles.

L’infirmier : vous êtes fou, il doit y avoir des solutions

Le Monsieur : (en colère, on a touché une corde sensible) NON ! Je ne suis pas fou. C’est l’argument bateau pour ne pas reconnaitre la problématique des ondes. Les médecins veulent me faire prendre des calmants pour me faire taire. Mais j’irai jusqu’au bout car la survie de l’humanité est en jeu.

L’infirmier : (apaisant) Ok, vous n’êtes pas fou, mais si vous m’expliquiez calmement avant de faire une bêtise.

Le Monsieur : Nous sommes actuellement environ 5% de la population à présenter le même problème. Nous ne supportons plus le brouillard électromagnétique artificiel dans lequel nous baignons à longueur de journée. Nous sommes baignés par les ondes des antennes, des smartphones, des WIFI, du Bluetooth partout où nous allons. Nous avons des problèmes de santé et l’état ne veut pas prendre notre détresse en compte et préfère vendre à coup de milliards des bandes de fréquence supplémentaires pour la 5G et les toutes les technologies futures.

L’infirmier : Mais c’est pour améliorer les services, diminuer la latence et augmenter les capacités. Cela va permettre de mieux soigner les gens à distance.

Le Monsieur : Cela va surtout permettre de mieux les rendre malades sur place et de diminuer leur système immunitaire. Je n’en ai rien à foutre d’être opéré en direct par un chirurgien à l’autre bout du monde.

L’infirmier : Soit, mais cela va permettre le développement d’autres applications qui vont nous simplifier la vie et créer de nombreux emplois.

Le Monsieur : Simplifier la vie ?Vraiment ? Je ne sais pas dans quel monde imaginaire vous vivez mon petit Monsieur, mais pratiquement, je ne vois pas en quoi la vie est simplifiée. Avant on parlait et on discutait d’humain à humain et on trouvait des solutions, maintenant on parle avec des machines et ont perdu tout contact avec autrui. Vous m’énervez avec vos réponses formatées.

L’infirmier : Calmez-vous, vous vous énervez à nouveau. Si vous m’expliquiez sagement votre problème, on pourrait certainement envisager des solutions moins extrêmes que de faire sauter une bombe.

Le Monsieur : Mon problème, mon petit Monsieur, est le problème de tous les êtres vivants sur cette terre. Il touche aussi bien, les plantes, les insectes, les animaux et les hommes. On a créé une technologie basée sur des ondes artificielles qui perturbe nos organismes et détruit peu à peu toute forme de vie sur cette terre. Je m’explique puisque vous semblez ignorant de cette réalité. Les arbres crèvent à proximité des antennes, plus de 70 % des insectes ont disparu, plus de moustique écrasé sur le pare-brise des voitures, les oiseaux tombent du ciel ou perdent le nord, les dauphins s’échouent, des humains survivent dans un état de fuite permanent. En l’espace de 50 ans, les ondes artificielles générées par l’homme ont été multipliées par un quintillion de fois, 10 exposants 18.

L’infirmier : Oui, mais nous sommes protégés par des normes. On ne permettrait pas que cela nuise à la vie sur terre, l’état nous protège.

Le Monsieur : Ah, ah, parlons-en des normes. Elles sont fixées par l’ICNIRP, pour l’OMS et sont basées sur des considérations thermiques issues de la technologie des bombes nucléaires. Une sonde thermique plongée dans un mannequin (SAM) rempli d’un liquide dit physiologique, ne doit pas voir sa température s’élever de plus d’1 degré après une durée de six minutes. Je ne suis pas un mannequin et rares sont les utilisateurs de GSM qui l’utilise moins de 6 minutes par jour à 5 mm de distance de l’oreille. Ces normes sont obsolètes et ceux qui les établissent travaillent directement ou indirectement pour les firmes qui conçoivent ou fabriquent ces engins de mort.

L’infirmier : Vous exagérez, vous êtes complotiste.

Le Monsieur : Si être complotiste, c’est dire une vérité qui ne plait pas, alors je suis complotiste. Mais un peu de bon sens mon jeune ami. Votre corps, comme le mien est électromagnétique, la preuve est que l’on fait des électrocardiogrammes, des électroencéphalogrammes, Nos organes émettent des fréquences, nos cellules communiquent entre elles non seulement par échange d’hormones mais également et surtout par des échanges électriques.

L’infirmier : Oui, je sais mais vous pourriez me donner des exemples d’inconfort à la suite de cette surexposition aux ondes sur le corps humain.

Le Monsieur : Oui, sans problème, le hic c’est que les conséquences varient d’un individu à l’autre, que les symptômes sont banaux et que les effets ne sont pas instantanés chez tout le monde. Il peut également y avoir des impacts à long terme avec des maladies comme Alzheimer ou des cancers. A court terme, les gens se plaignent souvent de violentes migraines, d’acouphènes, de rougeurs, de palpitations, de troubles intestinaux, de douleurs articulaires ou musculaires et aussi sur le plan cognitif de confusion mentale, de perte de mémoire de difficulté à s’exprimer, etc., etc…

L’infirmier : Bref, un peu de tout comme tout le monde (ton moqueur)

Le Monsieur :  Oui, un peu de tout et c’est bien ça le problème qui nous rend moins crédible. Les symptômes à court terme sont banaux et ne permettent pas d’identifier la source du problème pour un médecin non formé à cette pollution environnementale. D’où une majorité d’autodiagnostique chez la personne électro hypersensible. Ah, j’oubliais, les Chimico sensibles qui présentent également des troubles similaires avec parfois des lésions cutanées très importantes, ces gens représentent environ 10 % des EHS.

L’infirmier : Tout ces symptômes se soignent, il existe des médicaments.

Le Monsieur : Cette pollution provoque un affaiblissement de notre système immunitaire et ouvre la voie à de nombreuses pathologies. Pour ce qui est des médicaments ou des traitements, nous avons le choix entre les antihistaminiques, les compléments en Zinc et en vitamines et la papaye fermentée. Pour les traitements plus complexes, on nous suggère de faire arracher nos dents plombées et de pratiquer des chélations afin d’éliminer un maximum de métaux dans notre organisme. Tout cela est long, coûteux, douloureux avec des résultats incertains. Ah, j’oubliais également les antistress et les somnifères afin de supporter le tout avec le sourire. Enfin de nombreuses personnes pratiquent également la méditation ou la relaxation pour atténuer leurs symptômes.

L’infirmier : Il doit bien exister des moyens de protection efficaces ?

Le Monsieur : Efficaces dites-vous ? Oui les moyens proposés par les marchands du temple sont nombreux et l’efficacité dépend souvent du coût exorbitant des moyens proposés. On les appelle les grigris. Ils vont du pendentif en cuir, aux cônes qui absorbent les ondes en passant par les pierres miracles qui transforment les ondes nocives en ondes positives. Tous les moyens sont bons pour ce faire du blé sur la tête des personnes en perdition.
Les moyens efficaces sont plus techniques comme ce voilage spécial qui recouvre cette cage. Ils vont devoir être étudié en fonction du type d’onde auxquelles on est exposé et vont donc nécessiter des mesures avec des appareils précis afin d’évaluer les fréquences. Ces solutions existent sous forme de peintures, de papier peint, de film pour vitrage, de toiles ou de tissus. Certains EHS utilisent également des vêtements de protection doublés de ces tissus. Mais l’efficacité est toute relative. La seule réelle solution est l’éviction, la non-exposition.

L’infirmier :  Vous avez certainement des endroits où vous pouvez être à l’abri, dans les forêts, à la montagne, …

Le Monsieur : Malheureusement, ces endroits ont quasiment disparu par suite de la volonté de nos gouvernements de vouloir couvrir la totalité du territoire. Les zones blanches doivent disparaître pour permettre une meilleure connectivité entre les individus, réduire les zones isolées et promouvoir le développement économique. Grâce aux satellites, nous aurons bientôt une couverture à 100 % du territoire avec une cotte de maille entourant notre globe terrestre. A nouveau, le principe de précaution n’a pas été respecté et l’humain s’est lance les yeux fermés dans une conquête spatiale qui doit nous permettre d’aller vivre sur Mars.

L’infirmier : Pourtant dans ma région, il y a de nombreuses zones où ça ne capte pas ou alors seulement en 2G.

Le Monsieur : Vous en avez de la chance de connaître de tels endroits. Les EHS sont à la recherche permanente de lieux protégés, regardez-moi avec ma femme, on a parcouru 10000 kilomètres sur 6 mois pour dénicher un petit coin de paradis sans ondes. Il y a le problème des antennes mais aussi et surtout du WIFI des voisins. Les ondes, passent à travers tout, elles traversent les murs, les portes, les fenêtres. Elles se servent de tous les supports métalliques pour se réfléchir, se diffuser, se diffracter. Il faut réellement les connaitre pour les contrer efficacement. Je comprends très bien que vous nous preniez pour des chochottes, nos vies semblent épouvantables à première vue. Nombreux EHS vivent en errance dans des vans aménagés, dans des caravanes ou dans des logements précaires.

L’infirmier : Je ne comprends pas très bien, si vous, vous avez trouvé un endroit protégé, pourquoi vous voulez tout faire péter et emmerder vos congénères ? Pourquoi vous plaindre et nier toutes les avancées de cette technologie au risque de foutre par terre toute une économie pour sauvegarder quelques toqués du ciboulot en perte de reconnaissance. Peut-on sacrifier toute une société au profit de quelques malheureux auto proclamés. Il y a bien d’autres soucis dans le monde. Oh, et puis vous m’emmerdez avec vos jérémiades. Reprenez vos esprits et sortons de cette cage où j’étouffe.

Scène 2 : l’impact sociétal

L’infirmier est sorti précipitamment de la cage, le vieux Monsieur continue à tapoter consciencieusement sur son ordinateur. Pendant que l’infirmier récupère son smartphone à l’extérieur dans la boîte métallique et qu’il l’allume

L’infirmier : (en s’adressant au Monsieur) Voilà, à cause de vous, j’ai raté plusieurs messages de ma copine et de mon chef. J’avais un rencart important et je devais me rendre chez un autre patient en urgence. Je vais encore avoir des remontrances.

Le Monsieur : (toujours installé dans sa cage et très absorbé par sa tâche). Oui, c’est le problème, en dehors des effets sanitaires, on est aussi esclave de son GSM pour organiser sa vie. Les autres ont une emprise totale sur votre vie et on culpabilise quand on ne répond pas immédiatement à un message. Au restaurant les couples discutent du menu via leur GSM et en continuant à visualiser des vidéos sur TIK TOK ou autres réseaux sociaux. C’est le progrès et la justification d’une montée en puissance de cette technologie et de la multiplication des antennes.

L’infirmier : (énervé, il continue à lire ses messages et tente de rappeler sa copine) Bonjour chérie, excuse-moi mais j’étais en service et je n’avais pas mon GSM sur moi à cause d’un vieux dingue, je t’expliquerai à la maison. Mon chef m’a appelé, je dois le rappeler ce soir pour connaître les changements de planning pour demain. Ce ne sera pas long. Je t’embrasse, je t’aime, bisous, bisous, mmmh. Je raccroche car j’ai l’impression que le vieux Monsieur écoute toute ma conversation.

Le Monsieur : La notion de vie privée et d’intimité a totalement disparu, on étale maintenant sa vie en plein jour dans les restos, les cafés, les transports en commun, …On est joignable 24h sur 24, 7 jours sur 7. C’est un de vos progrès de cette technologie ?
Je vais bientôt appuyer sur le bouton, vous devriez remettre votre GSM dans la boîte si vous ne voulez pas qu’il soit bousillé et venir vous protéger sous la cage pour ne pas griller vos derniers neurones sains.

L’infirmier : Ecoutez, jusqu’ici, j’ai eu beaucoup de patience, j’ai écouté vos arguments mais je ne suis toujours pas convaincu de la nocivité des ondes. Je ne sens rien comme la majorité des gens. Vous allez revenir sur votre chaise et je vais vous reconduire chez vous boire une bonne tisane calmante. Je vais également rappeler votre médecin pour qu’il vous prescrive un calmant. Allez, venez maintenant.

Scène 3 : les dommages collatéraux des ondes

Le vieux Monsieur ne semble pas vouloir bouger de sa chaise. L’infirmier énervé rentre dans la cage avec son GSM.

Le Monsieur : (en criant sur l’infirmier) Vous êtes fou, éteignez immédiatement ce GSM, vous allez nous griller sous cette cage, on va se retrouver dans un four à micro-onde. Les ondes vont rebondir sur les parois et votre GSM va fonctionner à plein pot pour tenter d’accrocher un réseau. Regardez, il ne trouve pas de réseau, il n’y a pas de barrettes. Eteignez cet appareil, vite.

(L’infirmier surpris par la véhémence du vieux Monsieur, éteint son GSM et vient se réasseoir face à lui le regard interloqué.

Le Monsieur : Si mes arguments ne vous ont pas convaincu, peut-être, si vous êtes sensible à l’environnement, l’aspect respect de la nature vous fera réagir autrement. Pour produire vos GSM, il faut énormément de matières premières qui sont extraites dans des pays en voie de développement, en Afrique centrale, en Asie, en Nouvelle Calédonie. Ces minerais sont devenus très rares, ils constituent la base de nos circuits électroniques et de la fabrication des batteries. Les boues, les rejets de l’extraction polluent l’environnement et les océans détruisant au passage toute la faune et la flore. Les populations sont exploitées et sous-payées pour vous permettre d’envoyer un bisou à votre copine par GSM. Des enfants sont exploités en Chine, en Inde pour fabriquer à la chaine votre précieux joujou. Cela fait aussi partie de la face cachée de cette technologie. Pendant ce temps, les fabricants, les marques amassent des fortunes colossales. A chaque nouvelle technologie, on jette tout et on doit réinvestir dans un nouvel appareil pour pouvoir continuer à s’échanger des vidéos du dernier popo de votre enfant chéri.

L’infirmier : Oui, ok c’est une façon de voir les choses, mais on recycle et je ne suis pas responsable de tous les malheurs du monde.

Le Monsieur : On recycle une infime partie, l’or, l’argent, le cuivre mais le reste coute trop cher et est perdu. Mais cela nous écarte du sujet et d’un autre aspect qui touche plus particulièrement les EHS. Vous connaissez Henry Laborit, ses expériences sur les rats et son livre « Eloge de la fuite » ?

L’infirmier : Comme tout le monde, je me souviens d’un film qu’on devait voir durant mes études « Mon Oncle d’Amérique » avec Depardieu et Brialy. Ils faisaient des expériences sur des rats dans une cage, mais je ne vois pas bien le rapport avec vos ondes.

Le Monsieur : C’est bien, vous semblez moins bête que je ne pensais. Pour vous résumer, un rat dans une cage est soumis à un stress électrique, s’il peut fuir, il ne génère pas de séquelles neurologiques, s’il peut se battre et dominer un congénère, idem, il s’en sort, mais s’il est seul et doit subir la décharge, il va subir et son système immunitaire va le conduire vers de l’auto-dégénérescence, il va déprimer et mourir.

L’infirmier :  Oui, je sais tout cela, mais je ne vois toujours pas le rapport avec les ondes, expliquez-moi.

Le Monsieur : Un EHS, dans ce monde actuela perdu toute opportunitéde fuir, les ondes sont partout, surtout en milieu urbain. Il ne peut pas se battre, c’est contraire à son éducation et puis contre qui se battre ? Il va donc désespérer et attraper des tas de maladie que son système immunitaire déprimé ne va plus combattre. Sa seule issue est de disparaitre et de mourir. Moi, j’ai trouvé, avec cette bombe électro magnétique, un moyen de me battre et de ne pas déprimer. Je me bats contre un système, une technologie. Vous comprenez maintenant pourquoi je vais appuyer sur ce bouton.