Je ne sais pas où on va, mais on y va

Je sais que je ne pourrai plus gambader avec mes congénères, brouter les herbes fraiches au delà de la clôture. Je serai cantonné à mon espace limité sans le droit de même rêver à des jours meilleurs. Le plus difficile quand on perd sa liberté c’est le regret amer d’y avoir goûté. Pas de théâtre, pas de ciné, plus de resto et tout le reste oublié à jamais. Mes congénères me regardent de travers, ils ne m’adressent plus la parole, je ne suis plus comme eux. Oui je refuse de suivre le troupeau, je n’ai plus confiance en mon berger qui veut absolument me faire une piquouse pour repousser le loup. Les gardiens du troupeau sont devenus les loups et ils n’arrêtent pas de me mordre les mollets pour que je rentre dans le rang et que je suive docilement le troupeau. J’ai résisté aux ondes en m’isolant, je résisterai bien à la piquouse en restant dans ma solitude. Je suis seul dans mon pré mais je sais que je ne suis pas seul dans ce monde et nos bêlements finiront bien par se rejoindre pour tenter de reconquérir des prairies plus vertes. Le monde des hommes est devenu fou et il semblerait qu’une minorité bien-pensante le dirige. Je fais attention à mes déjections pour éviter de trop polluer pendant que des milliardaires s’envoient en l’air quelques minutes en polluant un maximum l’atmosphère. Oui, mais comme le reste, c’est ça le progrès pendant que des péquenots dans mon genre crevont sous le joug de leur pouvoir.