Le carcan électromagnétique

Un des épisodes les plus pénibles pour un EHS, c’est le médecin. La salle d’attente est déjà une salle de torture avec tous les instruments nécessaires en passant du WIFI au GSM des patients. Les revues ne servent plus à rien, tout le monde est occupé sur son GSM. Enfin, c’est votre tour et vous rentrez dans la salle de mise à mort. Le bureau du médecin est jonché d’informatique avec clavier bluetooth et imprimante et son GSM dernier cri trône fièrement au milieu du champs de quille à côté du DECT. Derrière sur le mur est accrochée la borne WIFI.

Vous venez pour vos problèmes de battement cardiaques irréguliers et là par hasard, ils sont devenus compte tenu de l’environnement, totalement anarchique. Ca tombe bien, vous êtes au bon endroit. Le praticien est déjà réfugié derrière son ordinateur et vous prête une oreille dubitative. La conversation est interrompue soit par le GSM ou par le DECT, vous apprenez tous les détails de la prise de sang de Mme X et ses problèmes hormonaux. Mais revenons à notre cas. Le médecin se lève et place un engin au bout de votre index pour mesurer vos battements cardiaques et votre saturation en oxygène. Effectivement, votre coeur bat irrégulièrement et il décide de prendre votre tension. Il n’écoute toujours pas votre plainte et semble oeuvrer à la recherche d’une pathologie de base. Il ne se gêne pas pour constater que vous avez encore grossi et que vous devriez faire un régime et un sport régulier. Il n’arrive pas à prendre votre tension tant votre pouls est irrégulier et il tape des maxima et minima un peu au hasard en demandant si vous suivez bien votre traitement.

A nouveau le téléphone et vous commencez doucement à vous demander ce que vous êtes venu faire dans cette galère où vous avez l’impression de ramer à contresens. Il vous conseille de prendre rendez-vous chez un confrère pour un électrocardiogramme et en attendant de prendre un médicament pour régulariser le rythme. Grâce au progrès de la technologie, la prescription sort lisible directement de l’imprimante et votre dossier médical est immédiatement mis à jour. Vous payez votre consultation et en moins de 10 minutes votre cas est réglé. Au suivant.

L’idée du cardiologue en consultation à l’hôpital est une mauvaise idée pour un EHS car l’environnement est encore plus électromagnétique que dans le cabinet du médecin généraliste. Après examen avec effort sur un vélo et la montée du mont Ventoux, votre cas est confirmé et sérieux. Un séjour hospitalier est conseillé pour d’autres examens plus invasifs. Vous vous retrouvez ainsi avec votre pyjama et votre brosse à dent dans une chambre pour deux en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Vous ne savez toujours pas ce que vous avez mais à l’intérieur de vous, ça va exploser. Perfusion et baxter sont placés par une gentille infirmière. Votre repas est servi et votre lit électrique avec matelas anti-escarre est assez inconfortable. Le voisin de chambre est accro à son GSM qu’il place sur la table entre vos deux lits et il suit son match de foot avec le volume à fond. Enfin, après deux jours d’attente un médecin daigne franchir le seuil de votre chambre avec son DECT en poche. Son discours se veut rassurant mais il aimerait encore réaliser quelques examens supplémentaires avant de poser un diagnostic définitif. Je me fâche et demande mon bon de sortie, il s’y oppose et je tiens bon et à 4 h, j’ai enfin mon papier et une prescription à rallonge. Je suis chez moi, sous mon baldaquin et enfin, je respire et je vis. Mon coeur s’est calmé et la poubelle a accueilli avec délectation la prescription  du chef de service. Fuir, se débarrasser de ce carcan électromagnétique est dorénavant la seule solution. Le salut est dans la fuite.